L’entraînement croisé : un plaisir à toutes épreuves

Varier les pratiques sportives pour un trailer… L’idée peut paraître excentrique. Car depuis des décennies, les physiologistes et les entraîneurs sont d’accord : pour être performant en course à pied, il vaut mieux courir que nager, skier ou pédaler. C’est la notion de spécificité gestuelle. Mais l’entraînement croisé aurait-il des vertus pour maintenir, améliorer ou protéger le potentiel d’un trailer ou d’un ultra-trailer ?

L’idée fait son chemin depuis plusieurs années. Rompre avec la lassitude d’une seule discipline, éviter les excès de foulées et le surentraînement, varier les plaisirs, sont autant de bonnes raisons de « croiser » son entraînement. Sauter dans son maillot de bain, dévaler et grimper les pistes enneigées, enfourcher son VTT, les terrains de jeux ne manquent pas… Et si cette méthode rimait aussi avec plaisir et performance ?

Les opinions font débat

Le concept n’est pas nouveau. Pour exemple, les triathlètes passent la majeure partie de leur temps d’entraînement sur un vélo. Cela ne les empêche pas, pour les meilleurs, de réaliser de belles performances en course à pied. C’est là que le débat s’anime. Appuyer sur des pédales ne reproduit pas les mêmes régimes de contractions musculaires que ceux de la foulée. Pour reprendre une expression sportive souvent entendue : « Ce ne sont pas les mêmes muscles qui travaillent. » Elle ne peut donc pas se substituer à la sacro-sainte sortie de course à pied. Le point du désaccord ? La planification des séances en fonction des saisonnalités des compétitions.

Les uns affirment qu’il vaut mieux travailler la spécificité de la foulée pendant la saison de compétition. Les autres sont convaincus que l’alternance des pratiques avec d’autres disciplines permet de limiter la « casse ». Rappelons que la foulée du trailer n’est pas celle du coureur de 10 km sur route, et que les qualités « élastiques », dans les chemins, ne sont pas aussi importantes que sur le bitume.

Le précepte du toujours plus

Réaliser un gros volume d’entraînement reste la ligne de conduite de beaucoup d’ultra-trailers. Surtout pour ceux qui prônent le « toujours plus », portés par un esprit « jusqu’au-boutiste ». La méthode de l’hyper utilisation gestuelle reste celle la plus pratiquée dans le monde de l’ultra.

Contre-performance, blessures, surmenage, dépression… Si pour le monde médico-sportif, la moyenne de 3 séances hebdomadaires d’activité physique

correspond à un modèle idéal pour entretenir un bon état de santé, le nombre d’heures d’entraînement passé à gambader semble friser avec un monde irréel. Pour référence, dans les années1920, le marathon olympique était considéré officiellement comme l’extrême limite de l’effort d’endurance. Aujourd’hui, on ne compte plus le nombre de compétitions triplant, quadruplant, voire plus, la distance des mythiques 42,195 km.

Courir, ce n’est pas toujours le pied

En course à pied d’endurance, les jambes supportent environ 2,5 fois le poids du corps. Le danger vient du martèlement du poids du corps sur le sol. Les conséquences de l’excès de foulées ne sont bénéfiques ni pour physique, ni pour le moral. Pénibilité, irritabilité, stress… sont autant d’impacts désastreux sur la motivation. Sans parler des effets néfastes de la blessure sur la vie quotidienne et professionnelle.

Rappelons que selon les études, 40% à 80% des coureurs se blessent au cours de leur année de pratique. Un pourcentage plus important que chez les triathlètes. Ces derniers rapportent que les trois-quarts de leurs blessures proviennent des foulées.

On se blesserait donc de trop courir ou de courir trop longtemps, sur un sol trop dur, avec un poids du corps trop important, qui provoquerait des traumatismes sur les chaînes musculo-tendineuses et articulaires. Mais bien malin celui qui saurait dire « stop » au bon moment ! Les principaux dommages, pour le trailer de longue distance, étant dus aux répétitions des modes de contractions musculaires excentriques, sur les quadriceps, et la retenue du poids du corps sur les muscles extenseurs des jambes dans les descentes.

Le ridicule ne blesse pas

A moins de s’appeler Dawa Sherpa, bien rares sont les compétiteurs qui n’ont jamais rebroussé chemin à cause d’une blessure. Mais qu’advient-il d’un trailer blessé ? Les effets du desentraînement vont se faire rapidement sentir (la perte des acquis de l’endurance cardiovasculaire).

En fonction du degré de la pathologie, continuer à s’entraîner en utilisant le vélo ou la natation reste alors possible. De surcroît, c’est une bonne alternative pour maintenir un « état mental » satisfaisant pour les « addicts » de l’effort. Aquajogging, aquafitness, natation, sont autant de disciplines vertueuses dans ce cas de figure. Les plus machos devront néanmoins outrepasser l’idée reçue selon laquelle les activités aquatiques sont réservées à un public féminin.

La voie aérobie

Même chez les trailers, le concept de la consommation maximale d’oxygène (VO2max) reste un des facteurs essentiels à la performance. Pourtant, le développement de cette aptitude est rarement abordé. Fractionné en course à pied, dans des zones d’intensités proches de sa fréquence cardiaque, est trop souvent synonyme de blessures. Test d’effort en poche, le danger vient plus du sol que du nombre de battements cardiaque par minute.

Le vélo de route ou le VTT offrent autant de voies possibles, dans des disciplines d’endurance « portées », pour développer la puissance du « moteur ». Il est toutefois consensuel d’admettre qu’elles ne développent pas des valeurs de consommations d’oxygène similaires à celles de la course à pied.

En conclusion. Vous l’aurez certainement compris… Je suis un fervent adepte de l’entraînement croisé.La question doit cependant se poser au moins sous deux aspects.

Les durées hebdomadaires d’entraînement. Elles sont très hétérogènes d’un coureur à l’autre. On peut facilement imaginer qu’un trailer qui s’entraîne 3 à 5 h par semaine aura intérêt à privilégier la course à pied. Par contre, au-delà, et en particulier lors d’un plan qui intègre le biquotidien, l’entraînement croisé pourrait être une solution pour augmenter le nombre de séances, en minimisant les traumatismes

La saisonnalité des compétitions. Intégrer des gestuelles complémentaires ou de substitution ne veut pas dire abandonner le travail de la foulée, surtout dans une discipline où s’entraîner à enchaîner les côtes et les descentes reste primordial pour « encaisser » la compétition.